Télétravail & Covid-19 : l'essentiel
Jusqu’alors marginale, cette nouvelle organisation du travail propulsée par la crise sanitaire fait du télétravail un incontournable et loi désormais dans les entreprises.
LE TÉLÉTRAVAIL EST-IL OBLIGATOIRE ?
Lors de la grande conférence de presse du 29 octobre 2020, Elisabeth BORNE a été claire : au regard de la pandémie de la Covid-19, le télétravail n’est plus une option, il s’impose à toutes les entreprises et a fortiori à tous les salariés « qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ». Le télétravail est même porté à 100 % si aucune tâche ne nécessite un retour au bureau.
Un problème demeure néanmoins : ces invectives gouvernementales n’ont pour seul socle juridique que le protocole national qui n’a pas valeur de loi. Aussi, aujourd’hui, faute de texte législatif, aucune entreprise n’est réellement contrainte de mettre en œuvre le télétravail. Ce vide juridique réduit les directives appuyées de l’exécutif à de simples préconisations.
Une obligation indirecte
Il serait cependant trop simpliste de s’arrêter à cette première analyse visant à croire que le télétravail ne puisse indirectement s’imposer aux employeurs. Voici nos trois arguments à l’appui.
1. La loi n°2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant les nombreuses ordonnances prises en 2017 dans le cadre du renforcement du dialogue social a simplifié la mise en place du télétravail au sein de l’entreprise en octroyant de nouveaux droits aux salariés. Ainsi, un salarié qui peut et qui souhaite télétravailler doit en informer son employeur, par tous moyens (courriers, mails…). Nul besoin d’accord collectif ou d’avenant au contrat de travail, un simple accord avec le salarié (là aussi par tout moyen : courrier, mail, oral…) suffit à mettre en place le télétravail. A contrario, l’employeur ne peut l’imposer. Par ailleurs, l’employeur qui refuse se doit de motiver sa décision.
2. L’article L1222-11 du Code du travail modifié par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (art.21) dispose : « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. ».
3. Bien que n’ayant pas de force contraignante, « le protocole engage la responsabilité du chef d’entreprise qui doit garantir la santé de ses salariés ». Elisabeth BORNE a ainsi tenu à rappeler que conformément à la jurisprudence constante et à l’article L4121-1 du Code du travail, il appartient à chaque employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, et ce quelle que soit la nature du contrat de travail qui le lie à ces derniers. Pour rappel, il s’agit d’une obligation de moyen renforcée. Le Conseil d’État a en outre souligné dans sa décision du 19 octobre 2020 que le protocole constitue « un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 ».
Ainsi l’employeur qui dispose de moyens permettant de mettre en œuvre le télétravail au sein de son entreprise, mais qui s’y refuse sans raisons valables s’expose à de lourdes sanctions civiles et pénales. Enfin, rappelons que dans ces cas de litiges, la charge de la preuve est inversée. Il appartiendra à l’employeur de prouver qu’il a mis en œuvre tous les moyens qui étaient à sa portée afin de réduire les risques auxquels ont été exposés les salariés.
Conformément à l’article L1222-9 III du code du travail : « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise ». Cela a des conséquences tant au niveau du temps de travail qu’au niveau des frais à prendre en charge.
Gestion du temps
Accident du travail
Tel que prévu à l’article L1222-9 du Code du travail, « l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ».
L’accident doit donc être pris en charge dans les mêmes conditions que s’il avait eu lieu dans les locaux professionnels. L’employeur qui souhaite contester cette qualification doit renverser cette présomption afin de prouver que l’accident a été occasionné par une cause étrangère au travail.
La suppression des temps de trajets a pour effet de rallonger les temps de travail. Il est important de veiller à ce que les salariés ne se retrouvent pas en situation de burn out.
Droit à la déconnexion
Entre ressenti et constat, le premier confinement l’a pointé : les salariés ont souvent travaillé plus. L’employeur reste garant des conditions de travail, du juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Si un système de pointeuse virtuelle existe, en cas de dépassement répété des durées hebdomadaires, il appartient à l’employeur de faire respecter les limites et d’analyser la charge de travail ou l’organisation du salarié exerçant à domicile. De la même manière, le salarié en sous-activité peut être rappelé à l’ordre.
À défaut de système de contrôle objectif, l’obligation de l’employeur demeure. Il est important de rappeler via des communications préventives à chaque salarié qu’il est en droit de ne pas consulter sa messagerie en dehors de ses heures de travail. L’employeur doit également être vigilant et à l’écoute de tous les faisceaux d’indices qui laisseraient entrevoir une surcharge de travail tels que des mails envoyés sur une amplitude horaire trop importante : de 7h du matin à 23h par exemple.
Congés payés
Les salariés en télétravail ont parfois tendance à poser moins de congés car s’estimant moins fatigués ou moins en droit d’en poser car exerçant à la maison. Il est important de veiller à ce que les salariés s’octroient de vrais temps de repos. Rappelons qu’à défaut d’accord entre les parties, l’employeur est en droit d’imposer des dates de congés à ses salariés. Par ailleurs, n’oubliez pas qu’en cas de rupture du contrat de travail, tout congé non pris devra être rémunéré. Gare aux compteurs de congés conséquents. De la même manière, le salarié qui peut démontrer qu’il n’a pas pu poser ses congés du fait de son employeur, pourra en obtenir le paiement.
REMBOURSEMENT DE FRAIS
Tickets restaurant
L’entreprise qui a opté pour la mise en place de tickets restaurant se doit d’en octroyer aux salariés en télétravail dans les mêmes conditions que les salariés exerçant en présentiel. Ainsi, si la journée de travail est organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause repas, alors la remise de tickets restaurant s’impose.
Remboursement de frais de transport
En temps ordinaire, l’employeur a pour obligation de prendre en charge 50 % des abonnements aux transports publics, réellement engagés par les salariés, et servant à effectuer les trajets domicile-lieu de travail.
Dès lors que le télétravail n’est pas réalisé à 100 %, l’obligation demeure puisque le salarié continue à se rendre sur son lieu de travail, même si cela est plus épisodique.
Cette obligation tombe dès lors que le télétravail est réalisé à 100 %.
À NOTER
Les 50 % sont également dus au salarié qui a opté pour un abonnement annuel et qui n’a pas pu suspendre ce dernier aux premières heures du reconfinement. Il appartient à chaque employeur qui ne souhaite plus prendre en charge ces frais d’inviter les salariés concernés à suspendre leur abonnement.
Les cas de cumuls
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