Opérations sans contrepartie réelle pour la SCI : attention à l'acte anormal de gestion !
FISCAL 23 mars 2022

Opérations sans contrepartie réelle pour la SCI : attention à l'acte anormal de gestion !


Si une société civile immobilière est juridiquement habilitée à effectuer toutes les opérations entrant dans son objet social, elle doit également, sur le plan fiscal, agir dans son intérêt propre, et non dans celui du groupe dont elle fait partie ou de son associé majoritaire. Dans le cas contraire, l’administration fiscale peut sanctionner l’opération sur le fondement de la théorie de l’acte anormal de gestion, comme l’ont rappelé deux arrêts rendus en 2021.

Dans quels cas l’administration peut-elle retenir l’acte anormal de gestion À l’encontre d’une entreprise ?

Le principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises interdit à l’administration fiscale de se substituer au chef d’entreprise ou au dirigeant pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à son entreprise. Toutefois, il ne s’oppose pas à ce que le service vérificateur corrige les conséquences des « actes de gestion anormaux » en matière d'impôt sur les bénéfices relevant de la catégorie de bénéfices industriels ou commerciaux (BIC) ou de l’impôt sur les sociétés (IS).

L’acte anormal de gestion est une création prétorienne qui peut se définir comme l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt (CE, plén. 21 décembre 2018, n° 402006). Il peut s’agir en pratique de tout acte qui met une dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui la prive d'une recette sans que cela soit justifié par les intérêts de son exploitation commerciale, comme l’illustrent les deux arrêts commentés ci-dessous s’agissant des SCI.

À NOTER
Lorsqu’il est établi, l’acte anormal de gestion est sanctionné par la réintégration de la dépense ou de la recette concernée dans le résultat fiscal de l’entreprise, ce qui entraîne un rehaussement de l’impôt assorti de pénalités de retard, ainsi que par une majoration de l’impôt de 40 % si un manquement délibéré peut être retenu à l’encontre de l’entreprise.

1er arrÊt : versement par une SCI de loyers pour la location de locaux non sous-loués

Les faits et la procédure

Une SCI C, soumise à l’IS, avait pris des locaux en location auprès d’une SCI A par un contrat de bail qui l’autorisait à sous-louer les locaux à une société tierce. Les trois sociétés étaient détenues, directement ou indirectement, par deux personnes physiques.

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale avait estimé que les loyers versés par la SCI C étaient dépourvus de contrepartie, dès lors que cette société n’était pas une société d’exploitation et avait pour objet social la gestion et la location de biens immobiliers, qu’elle n’avait pas l’utilité des locaux loués et qu’elle n’avait retiré aucun revenu de l’opération, faute d’avoir donné ces derniers en sous-location.

En appel, la SCI C ne contestait pas que les loyers versés avait permis le financement d’une opération de promotion immobilière menée par la société bailleresse dans ces mêmes locaux. Toutefois, elle soutenait que le versement des loyers avait néanmoins été consenti dans son propre intérêt, car elle escomptait percevoir une indemnité d'éviction à l'occasion de la résiliation du bail à l'issue de l'opération de promotion immobilière.

Or, le bail conclu avec la SCI A, propriétaire de l’immeuble, ne comportait aucune clause stipulant le versement d'une quelconque indemnité en cas de résiliation. La SCI C ne justifiait pas non plus d'un éventuel engagement de la SCI A à lui verser amiablement une telle indemnité.

La solution rendue

Dans un arrêt du 10 novembre 2021 (n° 19LY01841), les juges de la CAA de Lyon se rallient à l’appréciation de la situation par l’administration fiscale. Ils considèrent que les loyers versés par la SCI C l’ont été dans un but étranger à une gestion commerciale normale, consistant en l’occurrence à financer l’opération immobilière de la société bailleresse. Ces versements relèvent donc d’une gestion anormale et ne peuvent constituer une charge déductible du résultat de la SCI C.

Pour les juges, il importe peu que l'opération soit neutre sur le plan fiscal et n'ait pas eu pour objet d'éluder l'impôt à l'échelle du groupe de sociétés, cette circonstance étant sans incidence sur l'appréciation du caractère anormal pour la seule SCI C de l'acte de gestion litigieux.

Outre la réintégration des loyers dans le résultat fiscal de la SCI, la CAA confirme la non-déductibilité de la TVA ayant grevé les loyers litigieux.

2nd arrÊt : renonciation par une SCI À une recette au profit de son associÉe majoritaire

Les faits et la procédure

La SCI O, dont l’objet social était l’acquisition de biens meubles et immeubles en vue de leur gestion, était propriétaire d’un domaine qu’elle donnait en location, pour partie à des tiers pour la réalisation d’événements de type professionnel ou privé, et pour la partie restante à son associée majoritaire et à sa famille, à titre de résidence principale, pour un loyer mensuel de 1 000 € (soit 2,2 € par m2).

L’administration fiscale, estimant que le rendement de 3,75 % était anormalement bas pour un bien de cette qualité, procéda à une réévaluation du loyer en retenant un prix moyen de location de 11 € par m2, soit un loyer mensuel revalorisé de 4 565 €.

La solution rendue

Pour confirmer la réévaluation du loyer retenue par l’administration fiscale sur le fondement de l’acte anormal de gestion, la CAA de Bordeaux relève, dans un arrêt du 30 novembre 2021 (n° 19BX02832) :

  • le caractère exceptionnel du bien et l’importance des travaux engagés par la SCI, qui ont engendré d’important déficits fonciers pour celle-ci ;
  • l’absence d’implication de l’associée dans la gestion de la société de nature à justifier le faible montant du loyer. Les juges soulignent notamment que l’associée exerçait par ailleurs une activité salariée à plein temps, que les dépenses d'énergie de l'habitation étaient supportées par la SCI, sans remboursement des époux B. et qu'aucun encaissement de loyer n'avait été constaté sur le compte bancaire de la SCI au titre des années vérifiées ;
  • que les nuisances subies par l’associée et sa famille en raison de l'organisation d'évènements dans les salles louées ne justifiaient pas à elles seules l'octroi d'un tel avantage.
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