Entrepreneurs individuels, pensez à protéger votre patrimoine personnel !
Le statut d’entrepreneur individuel présente l’avantage de la simplicité et de la souplesse, notamment en début d’activité. Cependant, ce statut ne protège pas le patrimoine personnel de l’entrepreneur et de sa famille en cas de coup dur professionnel, comme le rappelle cet arrêt de la Cour de cassation.
patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel : une séparation fragile
Lorsqu’un entrepreneur individuel contracte une dette dans le cadre de son activité professionnelle, tous les éléments de son patrimoine personnel sont en principe saisissables par ses créanciers, à l’exception de sa résidence principale.
À NOTER
Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.
Pour protéger ses droits sur un bien foncier, bâti ou non bâti, qu'il n'a pas affecté à son activité professionnelle, l’entrepreneur individuel a la possibilité de rendre ce bien insaisissable en faisant publier une déclaration notariée d’insaisissabilité.
Toutefois, cette déclaration est loin de constituer une protection absolue, pour deux raisons :
- elle n'est opposable ni aux créanciers dont le droit est né avant la déclaration d’insaisissabilité (elle ne produit donc d’effet que pour l’avenir), ni aux créanciers personnels ; elle n’est pas non plus opposable à l’administration fiscale en cas de manœuvres frauduleuses du débiteur ou d'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales ;
- elle est privée d’effet si elle est publiée postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective, même s’il s’agit d’une procédure de sauvegarde, comme l’a jugé la Cour de cassation dans l’arrêt du 10 mars 2021 commenté ci-dessous.
procédure collective, il est déjà trop tard
Les faits et la procédure
En l’espèce, un entrepreneur individuel en état de cessation des paiements avait fait l’objet en août 2008 d’une procédure de sauvegarde. En janvier 2019, il avait fait publier une déclaration notariée d’insaisissabilité portant sur deux immeubles non affectés à son activité professionnelle.
L’entreprise ne parvenant pas à surmonter ses difficultés financières, la procédure de sauvegarde avait été ultérieurement convertie en procédure de redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire.
Afin d’apurer le passif, le liquidateur judiciaire avait souhaité vendre notamment les immeubles non affectés à l’activité professionnelle, mais l’entrepreneur s’y était opposé en invoquant la déclaration d’insaisissabilité publiée en 2009.
La cour d’appel de Reims ayant admis le caractère opposable de cette déclaration, le liquidateur s’était pourvu en cassation.
La solution rendue
La Cour de cassation juge que la déclaration d’insaisissabilité, publiée après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, est inopposable au liquidateur judiciaire. Elle casse en conséquence l’arrêt de la cour d’appel qui avait admis l’opposabilité de cette déclaration.
Elle considère qu’une déclaration d’insaisissabilité réalisée par un entrepreneur en cessation des paiements n’est régulière et opposable qu’à la condition d’être publiée avant l’ouverture d’une procédure collective, quelle qu’en soit la nature : de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire, mais aussi de sauvegarde.
C’est donc à tort que la cour d’appel avait fondé sa décision sur la circonstance que la déclaration avait été publiée pendant la phase d’observation de la procédure de sauvegarde, soit avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Bien que la Cour de cassation ait rendu sa décision au visa de l'ancien article L. 526-1 du Code de commerce, cette solution conserve toute sa portée aujourd’hui.
LE CONSEIL D'ANAFAGC
N’attendez pas de vous trouver en situation de difficulté financière pour organiser la protection de votre patrimoine personnel et familial.
Cette protection pourra prendre la forme :
> de la publication d’une déclaration d’insaisissabilité des biens immobiliers – idéalement, dès le début de votre activité non salariée ou, à défaut, en cours d’activité – et de sa mise à jour régulière en fonction de l’évolution de votre patrimoine ;
> ou de la création d’une société unipersonnelle dès le début de l’exercice de la profession ou par l’apport de votre entreprise individuelle, afin de séparer votre patrimoine professionnel de votre patrimoine (immobilier et/ou mobilier) personnel.