Vous avez acquis votre clientèle ? N’oubliez pas les droits d’enregistrement
À l’instar des cessions de fonds de commerce ou libéraux, les cessions isolées de clientèles sont soumises aux droits d’enregistrement. Toutefois, en l’absence d’acte de cession, l’administration doit, pour appliquer le droit d’enregistrement, apporter la preuve de l’existence de la cession. La cour d’appel d’Amiens en a récemment apporté l’illustration.
LES FAITS ET LA PROCÉDURE
Dans l’affaire jugée par la cour d’appel d’Amiens, l’administration fiscale avait estimé qu’une SARL avait, de fait, acquis une partie de la clientèle de deux sociétés tierces. Elle avait en conséquence soumis cette acquisition au droit d’enregistrement prévu par l’article 719 du CGI.
La SARL contestait l’application du droit d’enregistrement, au motif qu’il n’y avait pas, au cas particulier, de cession (totale ou partielle) d’un fonds de commerce. Pour la SARL, « la cession alléguée d’une partie de clientèle ne saurait équivaloir à une véritable mutation de fonds de commerce, d'autant qu'elle ne s'est jamais accompagnée de quelque transfert de matériel que ce soit ».
En effet, elle estimait qu’il n’y a mutation du fonds de commerce que « si tous les éléments le caractérisant sont transmis ; que la cession de clientèle, pour qu'il y ait transmission à titre onéreux d'un fonds de commerce, doit porter sur une clientèle significative », ce qui n’était pas le cas en l’espèce selon elle.
la solution rendue
Dans son arrêt du 7 septembre 2021 (n° 20-01769), la cour d’appel d’Amiens rappelle trois principes :
- si une cession de clientèle ne saurait équivaloir à une cession de fonds de commerce, la cession d’une clientèle isolée est soumise aux droits d’enregistrement prévu par l’article 719 du CGI ;
- l’article 1882 du CGI pose une présomption simple d’onérosité de la cession pour l’application de l’article 719 du CGI; dès lors, il appartient au cédant, s’il considère que la cession a été consentie à titre gratuit et échappe par conséquent aux droits d’enregistrement, d’apporter la preuve du caractère gratuit de la transmission ;
- en revanche, la charge de la preuve de la cession incombe à l'administration fiscale, qui doit faire « la démonstration de la présence d'actes ou écrits révélant l'existence de cette mutation et lui permettant de poursuivre le recouvrement des droits dus sur cette dernière ».
Sur ce dernier point, la cour relève qu’au cas d’espèce :
- une part « non négligeable » du chiffre d’affaires de la société cessionnaire est réalisée avec les anciens clients des sociétés cédantes ;
- 44,5 % de l’effectif salarié de la SARL est constitué d’anciens salariés des deux sociétés tierces ;
- il existe des liens privilégiés entre la SARL et ces sociétés, puisque le gérant de la SARL était également gérant de l’une des deux sociétés tierces de 2011 à 2013 et détenait 47% du capital de l’autre société tierce pendant la même période.
Dans ces conditions, la cour considère qu’il y a eu cession de clientèle au sens de l’article 719 du CGI et, qu’à défaut de prix convenu par écrit entre les parties, l’administration était autorisée à recourir à la méthode d’évaluation par comparaison pour déterminer le montant des droits d’enregistrement dus.
LE CONSEIL D'ANAFAGC
Les professionnels libéraux qui acquièrent tout ou partie de la clientèle d’un confrère ou d’une consœur devront s’assurer que l’acte de cession soit enregistré auprès du service des impôts afin que soient recouvrés les droits d’enregistrement en fonction du prix de cession convenu entre les parties (pour rappel, les cessions de clientèle ou de fonds commercial ou libéral dont la valeur est inférieure à 23 000 € sont totalement exonérées de droit d’enregistrement).
L’enregistrement de l’acte de cession présente en outre l’intérêt pratique, pour l’acquéreur, de lui permettre de justifier de la valeur d’achat de sa clientèle lors de la revente de celle-ci et, par conséquent, des modalités de calcul de sa plus-value imposable.