L'exclusion abusive d'un associé peut être annulée
La Cour de cassation a jugé que le caractère abusif de la décision d’exclusion d’un associé prise par l’assemblée générale des associés peut être sanctionné non seulement par l’octroi de dommages-intérêts, mais également par l’annulation de la délibération d’exclusion.
LES FAITS ET LA PROCÉDURE
À l’issue d’un arrêt maladie prolongé, un avocat associé au sein d’une SELAS avait notifié à cette société son intention de démissionner au 31 décembre de l’année en cours. Avant la date d’effet de sa démission, une assemblée générale extraordinaire avait été convoquée par les associés mais n’avait pas statué sur la résolution relative à cette démission. Par une autre délibération, les associés de la SELAS avaient prononcé l’exclusion de l’associé démissionnaire en faisant application des stipulations des statuts relatives à l’incapacité d’exercice professionnelle.
En prononçant l’exclusion de cet associé, ses coassociés lui retiraient sa qualité d’associé, et par conséquent ses droits à dividendes. Cette décision avait donc des conséquences financières plus lourdes pour l’associé que sa seule démission.
Après une procédure d’arbitrage devant le bâtonnier, le litige avait été porté au contentieux. Les juges d’appel avaient retenu le caractère abusif de l’exclusion prononcée par l’assemblée générale, au motif que la décision votée était motivée par la volonté de résister aux prétentions financières de l’associé. Toutefois, les juges du fond n’ont pas fait droit à la demande d’annulation de cette décision formée par l’associé exclu. Ils ont en effet considéré que le caractère abusif de cette décision devait être réparé exclusivement par le versement de dommages-intérêts et n’entachait pas la résolution de nullité.
la solution rendue
L’associé exclu ayant formé un pourvoi en cassation, la Cour de cassation (Civ. 1ère, 3 févr. 2021, FS-P, n° 16-19.691) censure la décision rendue par les juges d’appel en ce qu’elle n’a pas prononcé l’annulation de la délibération d’exclusion.
Contrairement aux juges du fond, la Haute juridiction considère en effet que « la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ».
La Cour de cassation fonde cette nullité sur l'alinéa 3 de l'article 1844-10 du Code civil, selon lequel « la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre [le droit commun des sociétés], à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ».
Au cas d’espèce, l’associé démissionnaire gagne donc sur toute la ligne : il obtient des dommages-intérêts en raison du caractère abusif de cette délibération et conserve par ailleurs sa qualité d’associé et ses droits à dividendes.