Présentation de clientèle libérale sans cessation ne vaut pas cession !
Dans un arrêt inédit, une cour administrative d’appel décide qu’une indemnité de présentation de clientèle libérale (en l’occurrence, une patientèle médicale) peut ne pas avoir la nature d’une plus-value, mais d’une recette comprise dans le résultat, lorsque le propriétaire de la clientèle poursuit son activité professionnelle dans les mêmes conditions.
les faits et la procÉdure
En l’espèce, le docteur C., médecin généraliste relevant du régime des bénéfices non commerciaux (BNC), avait conclu une convention de présentation de sa clientèle avec un confrère, le docteur A, qui intégrait le même cabinet médical.
Dans le cadre de cette convention, le docteur C. s’était engagé pour 2 ans à présenter le docteur A. à sa clientèle, en lui donnant accès sans réserve au fichier de ses patients et en lui accordant l'exclusivité de traiter cette clientèle pendant ses absences et pendant les gardes du docteur A. En contrepartie de cet engagement, le docteur C. avait perçu une indemnité de 13 400 €, qu’il n’avait pas déclarée parmi ses recettes imposables.
À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale avait réintégré cette indemnité dans les recettes imposables du docteur C.
Celui-ci avait contesté devant la juridiction administrative le rehaussement notifié, au motif que cette indemnité rémunérait, selon lui, une cession partielle de clientèle et relevait par conséquent du régime des plus-values professionnelles à long terme, qui ne doivent pas être comprises dans le résultat d’exploitation de l’exercice.
Le docteur C. s’était notamment prévalu de la prise de position administrative qui prend acte du fait que les tribunaux reconnaissent la validité de certaines conventions de présentation de clientèle libérale (BOI-BNC-BASE-30-10, n° 110).
la solution rendue
Dans un arrêt du 16 novembre 2021 (n° 20NT02147), inédit au recueil Lebon, la cour administrative d’appel Nantes déboute le docteur C.
Elle rappelle pour commencer la distinction à opérer entre :
- les indemnités perçues en réparation d'un préjudice et destinées à compenser des charges et des pertes déductibles ou des pertes de recettes taxables, qui entrent dans les recettes composant le BNC défini à l'article 93 du Code général des impôts ;
- et celles perçues en contrepartie de la perte ou de la dépréciation d'un élément d'actif, qui relèvent du régime des plus-values professionnelles.
La Cour relève ensuite que le docteur C ayant poursuivi sa profession à temps plein, la convention de présentation de clientèle « ne peut pas avoir pour objet une cession de sa clientèle mais facilite seulement l'installation du docteur A. L'indemnité ne rémunérait pas la cession d'un actif immobilisé mais constituait ainsi une recette professionnelle destinée à compenser la diminution de son activité résultant de l'arrivée d'un nouveau médecin. Elle doit être regardée comme un supplément de revenus imposables au taux de droit commun, compris dans les bénéfices non commerciaux du docteur C. »
Enfin, la Cour estime que cette solution n’étant pas contraire à la position administrative admettant la licéité des conventions de présentation de successeur, le docteur A. ne pouvait pas s’en prévaloir pour contester le rehaussement notifié.
À NOTER
Bien que rendue à l’égard d’une convention de présentation d’une patientèle médicale, cette solution, qui est fondée sur les règles générales d’imposition des BNC, nous semble transposable sans difficulté à toute convention de présentation de clientèle libérale, notamment d’avocats, dès lors que le cédant poursuit son activité professionnelle dans les mêmes conditions (exerce à temps plein, dans les mêmes locaux ou à proximité immédiate).