De la justice en pandémie
Je me suis permis de reprendre le titre du livre « De la démocratie en Pandémie » de Barbara STIEGLER - dans la collection Tracts de GALLIMARD - que je recommande volontiers car l’analyse de ce professeur de philosophie politique dans les domaines de la santé, de la recherche et de l’éducation devrait inspirer l’ensemble du monde judiciaire et en premier lieu les avocats.
Porter une parole forte au sein de l’institution judicaire devient un impératif pour dénoncer le confinement des esprits. Se taire n’est plus acceptable face aux attaques récurrentes de notre profession de plus en plus malmenée dans notre exercice quotidien jusqu’à l’incident de trop.
Par Gérard SABATER, Avocat honoraire au Barreau de Draguignan, Président d’Honneur
| Maître n°254, 2ème trimestre 2021
Il aura suffi du comportement inadmissible d’un magistrat pour mettre en évidence le fossé qui se creuse entre nos deux professions.
Nous avons toutes et tous en mémoire l’expulsion de notre confrère Paul SOLLACARO le 11 mars dernier de la salle d’audience du tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence par les forces de l’ordre. L’émotion de toute notre profession a été portée par nos instances nationales au garde des Sceaux le 15 mars 2021.
Cette lettre résume l’indignation de l’ensemble des avocats face au mépris des droits de la Défense, mépris qui ne fait que s’aggraver depuis quelques années et que l’état d’urgence sanitaire a porté à son paroxysme.
Dans l’exercice de la justice du quotidien, les avocats sont devenus les premiers de corvée, cantonnés à leur rôle d’auxiliaire le plus souvent muets au nom d’une prétendue efficacité de cette justice qui survit en limitant le rôle de l’avocat à celui de simple facteur, et si possible sans contact direct avec les juges.
En matière civile, la pandémie a imposé des règles sanitaires souvent ubuesques selon les juridictions, avec comme mot d’ordre le dépôt de dossier sans plaidoirie, pour éviter de stationner dans les palais et les salles d’audience, et la procédure écrite serait suffisante pour permettre au juge de rendre sa décision.
Voilà donc la plaidoirie comme facteur de clusters !
Un paradoxe dans cet espace-temps où la juridiction administrative souhaite en revanche être éclairée par les intervenants au-delà d’une procédure par communication électronique pourtant efficiente.
En matière pénale, où l’oralité des débats est consacrée par le Code de procédure pénale, la présence de l’avocat qui assiste ou représente ne peut être remise en cause.
Cela n’a pas empêché ce magistrat aixois d’indiquer aux prévenus qu’ils feraient mieux d’être jugés sans avocat. Même si cette attitude demeure l’exception, elle est le signe d’une dérive de notre système judiciaire, alors que nos deux professions doivent oeuvrer ensemble pour que la justice soit rendue dans une démocratie.
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