Le futur régime universel et les avocats, retour sur un dossier historique pour la profession
Alors que se précisent les contours de la première loi portant sur la réforme des retraites en France, la profession a toutes les raisons de s’y opposer, dans la configuration qui est celle soutenue par le Haut-Commissaire DELEVOYE et son successeur. On nous vend un système de retraite pas moins qu’"universel", pour simplifier les choses. On fusionne à terme tous les régimes, les excédentaires, les déficitaires, ceux qui ont été prudemment gérés, ceux qui n’ont pas été gérés du tout (cf. les retraites des fonctionnaires). On nous dit : pour que ce système soit viable, tout le monde doit cotiser à terme, selon une "trajectoire de convergence", à même hauteur, pour prétendre aux mêmes droits... Souvenons-nous de la formule de l’humoriste : « Dieu a dit, il y aura des hommes blancs, des hommes noirs, il y aura des hommes grands, des hommes petits. Il y aura des hommes beaux, des hommes moches et tous seront égaux, mais ça sera pas facile.». Il est plus que probable que si cette réforme passait en sa version monolithique actuelle, les particularités dues aux différentes situations professionnelles, que l’on ne peut occulter, renaîtraient tôt ou tard. Une chose est certaine : le projet de loi annonce la mort de nos régimes par la captation vers le régime universel des générations nées après 1975.
Par Viviane SCHMITZBERGER-HOFFER, Présidente de la CNBF, Ancien Bâtonnier, Avocate au Barreau de Metz
| Maître n°251, 1er trimestre 2020
LE DANGER DE SIMPLIFIER
S’il peut être de bonne politique de vouloir simplifier les choses, est-il bien raisonnable de concevoir un seul régime englobant toutes les cotisations et tous les droits, dont les fonds actuels et futurs seront à la merci d’une seule main : celle de l’État. Lorsque le système sera en équilibre, qu’adviendra-t-il des actifs financiers
du régime universel ? Quelles seraient les tentations d’un État et d’un Gouvernement aux prises avec la question obsédante de ses déficits ?
En cela, cette réforme est dangereuse. Aujourd’hui, il est très compliqué d’appréhender les actifs financiers des différents régimes, répartis entre régimes de base, entre régimes complémentaires gérés par les professions et les partenaires sociaux, ceux qui protègent leurs cotisants et leurs retraités.
contresens à sens unique : réduction du périmètre de solidarité
Contrairement à ce que le Haut-Commissaire DELEVOYE a tenté de faire croire avant son départ, la réforme annoncée des retraites, telle que conçue aujourd’hui, est bien comprise de la profession, qui ne commet aucun contresens mais qui comprend que l’on cherche à l’engager vers un sens unique, sans retour.
Si personne ne peut rejeter l’idée d’un système de retraite qui tendrait vers plus de justice, vers plus de simplicité et vers plus de sécurité pour les générations à venir et la génération actuelle, la réalité du système proposé aujourd’hui reste fort éloignée de ces principes. Le contenu est le même entre le rapport DELEVOYE et le projet de loi : que nous propose-t-on ? De cotiser plus, pour avoir moins, ou pour certains pour avoir un peu plus mais sans proportion aucune avec l’augmentation des cotisations. Alors que nos régimes de retraite de base et complémentaire englobent aujourd’hui tous les confrères, quel que soit leur niveau de revenu, la limitation à trois plafonds de la Sécurité sociale va réduire fortement le périmètre de solidarité puisqu’aujourd’hui nous cotisons jusqu’à l’équivalent de cinq fois le plafond au régime complémentaire et jusqu’à sept fois le plafond au régime de retraite de base. De ce seul fait, nous ne pourrons bénéficier dans le futur régime universel d’une même répartition, c’est évident.
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